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Qu'est-ce que le Vade-mecum, pourquoi est-il important ?

 

Connaissez-vous le vade-mecum relatif à l'usage du français dans les organisations internationales ? C'est un document tout récent, signé en Septembre 2006 et il est important à plusieurs niveaux :

- tout d'abord, c'est un document qui a été signé par des représentants (ministres, souvent) des pays membres, associés ou observateurs de l'OIF. Il a donc une réalité officielle et s'applique pour ces pays.

- ensuite, il réunit des principes qui fixent une sorte de politique de l'usage du français au niveau des relations internationales. Il donne donc une orientation claire.

 

Or, que dit ce document (que j'ai lu pour vous) : qu'il faut promouvoir l'usage du français dans les organisations internationales.

 

Vient en 2008 la parution d'un document de suivi de ce vade-mecum pour faire le bilan au bout de deux ans.

Chacun sait en effet que l'usage du français régresse dans ces organisations, en tout cas surtout au sein de l'Europe où l'usage du français a chuté, et ce document le confirme :

- concernant les documents sources traduits (c'est-à-dire les documents de travail que l'on remet à la traduction), il est passé de plus de 55 % à environ 20 % entre 1986 et 2006.

- l'utilisation des langues à l'écrit (je ne sais pas exactement quels documents cela concerne) a également chuté de 39 % en 1996 à 14 % en 2007.

 

Le vade-mecum a été un document important en ceci qu'il permet d'avoir quelque chose sur quoi on peut travailler. Les ministres se sont mis d'accord et ce document a été rédigé. On sait donc qui est prêt à oeuvrer pour la promotion du français et quels sont les objectifs que l'on souhaite se fixer.

 

Le bilan a permis de se rendre compte de plusieurs choses : de la dynamique défavorable pour le français mais aussi du fait que beaucoup de fonctionnaires des pays signataires ne connaissent pas l'existence de ce document. Le bilan est également très utile en ce qu'il permet de mesurer l'évolution, chiffres à l'appui, des succès de la promotion du français. On peut donc faire des constats sans travailler dans le vide.

 

On a quelques bonnes surprises également de pays qui travaillent entièrement en français dans les organisations internationales : France, bien sûr, mais aussi Bénin, Togo, Burkina Faso, Monaco, Sénégal, Niger, Congo, République Démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Mali. Tous ces pays ont comme langue officielle le français.

 

Mais d'autres pays qui ont une autre langue officielle à côté du français s'expriment aussi uniquement en français dans les organisations internationales :

Burundi, Centrafrique, Haïti, Luxembourg, Suisse Tchad et Cameroun.

 

Il existe aussi d'autres pays qui utilisent le français à côté d'autres langues ou qui l'utilisent ponctuellement.

 

Ce qui est intéressant avec cette évaluation, c'est que cela concerne un usage bien visible du français, celui des grandes organisations. Cela a donc une importance symbolique forte.

 

D'autres pays qui ont signé ce vade-mecum ont utilisé d'autres langues, souvent l'anglais, mais parfois l'arabe ou l'espagnol. Cela veut dire qu'il y a encore des marges de progression de l'usage du français, parfois entravées par le manque de formation dans notre langue des fonctionnaires. Il existe à ce sujet un fond de soutien pour l'apprentissage du français pour les fonctionnaires qui travaillent à l'Europe ou à l'ONU.

 

Le français et l'anglais en Europe

 

Une question peut nous interpeller : mais pourquoi le français occupe-t-il une place si peu importante par rapport à l'anglais en Europe ?

Au fond, ce constat doît être inversé car le français occupe une place quasi légitime : celle de la langue de la France, de la Belgique et de la Suisse. Parfois, surtout à l'écrit (car les langues nationales prédominent sinon souvent) de la Roumanie, de la Slovquie, de la Grèce, de la Macédoine et de la Serbie et un peu de l'Italie lorsque celle-ci ne s'exprime pas en italien (ni en anglais)). C'est plutôt le succès de l'anglais qui est révélateur : celui d'une absence de volonté linguistique de représentation. Car quels pays parlent anglais : ce sont surtout les pays scandinaves et ceux d'Europe de l'Est (Autriche, Allemagne parfois (!!), république Tchèque). Comment cela se fait-il que l'anglais soit parlé par les fonctionnaires de langue allemande alors que l'allemand est la première langue d'Europe et aussi l'une des langues de travail de l'Europe (contrairement à l'Italien, alors que j'y serais pourtant favorable) ?

Le succès de l'anglais est donc plutôt le fait d'une langue qui s'impose par défaut en Europe de l'Est, par choix dans les pays scandinaves, et qui recouvre une absence de volonté linguistique.

 

Et les autres langues ?

 

Si l'on n'entend pas parler de l'Espagne alors que sa langue aurait pourtant une certaine légitimité à être représentée de par le nombre de locuteurs de l'Espagnol, la situation bouge un peu en Italie et en Allemagne ; du moins assiste-t-on à une prise de conscience.

Je me rappelle d'un journaliste anglais qui posait une question à un représentant politique allemand en anglais, et lui de répondre en allemand. Le journaliste anglais lui demande pourquoi il ne répond pas en anglais alors qu'il parle cette langue ; réponse de l'intéressé : on est en Allemagne, je ne vois pas pourquoi je devrais parler anglais. (ce serait plutôt au journaliste d'apprendre l'allemand, non?)

Bon, c'est anecdotique (même si c'est révélateur) mais plus sérieusement, on peut noter que l'Italie a fait une demande pour pouvoir déposer des brevets en Italien car elle est parmi les plus grands déposants de brevets du monde. Silvio Berlusconi s'est aussi interrogé sur l'utilité des 'langues de travail' de l'uinion européenne, estimant que cela établissait une hiérarchie des langues.

Concernant l'Allemagne (qui chante en anglais à l'eurovision, n'ont-ils aucune dignité, surtout vu le dernier eurovision, j'ai eu honte pour eux avec leur clip à esthétique à moitié sado-maso avec des paroles niaises, mais bon, ce n'est pas tout à fait le sujet), je ne sais plus où j'ai lu que Merkel ou le gouvernement s'interrogeait sur le tout-anglais. Il serait peut-être temps qu'ils reprennent confiance en eux car si les allemands ne défendent pas leur langue, on voit mal comment des pays plus petits oseront défendre la leur.

 

Bilan général

 

Au fond, on s'alarme parfois de la place du français dans le monde et on s'étonne de la prédominance de l'anglais. Il n'y a pas lieu à être surpris du premier. Le français est certes en régression au sein de l'ONU et de l'Europe (pour l'instant) mais il y est toujours présent de façon significative, même s'il existe des marges de progression.

L'anglais est la langue par défaut. Ceux qui ne sont pas membres de la francophonie et qui ne sont pas des pays anglophones choisiront presque systématiquement l'anglais. Cependant, la francophonie continue à exercer une certaine attraction et des pays d'Europe de l'Est et du Caucase montrent un certain intérêt. Les marges de progression sont donc surtout dans l'approfondissement de le francophonie, c'est-à-dire dans la promotion d'un usage plus grand du français par ses membres.

A mon avis, la situation de l'anglais reste telle quelle lorsqu'il n'y a que le choix entre le français et l'anglais. Il existe des petites marges de progression du français mais surtout des grosses marges de régression de l'anglais dans la mesure où certains pays qui ont adopté l'anglais au sein des institutions souhaiteront davantage utiliser leur langue nationale (espagnol pour les pays d'Amérique du Sud), cantonais (Chine), portugais (Brésil, Mozambique, Angola, Portugal), arabe...

Il ne faut donc pas s'inquiéter de l'usage de l'anglais mais plutôt se concentrer sur le bon usage de notre langue,  s'assurer que l'on forme des traducteurs vers notre langue, que ceux-ci sont systématiquement disponibles, et que l'on traduit ou exige la traduction des documents de travail dans ces organisations.

 

Rajout du 14 juin 2012 : un livre revient sur le vade mecum, disponible en pdf : http://www.francophonie.org/Un-guide-pratique-pour-renforcer-l.html

 

Sources :

 

http://www.francophonie.org/IMG/pdf/Vade-mecum_Fcs_vie_intnale_2006.pdf

http://www.francophonie.org/IMG/pdf/Suivi-Vademecum_2008-3.pdf

 

Tag(s) : #Réflexions sur le français
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