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Vous avez sans doute entendu parler dernièrement de l'agitation qui secoue la Belgique à propos de querelles linguistiques. C'est un sujet que j'essaie de suivre de près et je vais donc tenter de vous faire un petit topo de ce que je pense avoir compris, car la situation est toujours plus complexe que ce que l'on en voit.

 

En ce moment, dans l'arrondissement de Bruxelles, (arrondissement de Bruxelles Hal Vilvoorde), les flamands sont en train de se battre pour soit empêcher les francophones de pouvoir s'installer dans des communes flamandes, ou pour que tous les services communaux et commerces soient en néerlandais afin de forcer les francophones à apprendre le néerlandais, bref, ils font tout pour que les francophones ne viennent pas chez eux.

 

Historique

 

Historiquement, la Belgique est un pays de création assez récente, créé en 1830. Il y a toujours eu une minorité francophone, les wallons, mais les pays européens ont tout fait pour que ceux-ci ne rejoignent pas la France, car la France était le pays dominant de l'époque et les autres pays européens craignaient de voir la France s'aggrandir encore.

 

Lors d'un congrès en 1830, la Belgique a été créée un peu comme un état tampon et rassemblait les catholiques tandis que la  Hollande rassemblait les protestants. Sauf que parmi les catholiques, certains parlaient français (en Wallonie), d'autres néerlandais (en Flandre). Au sein d'un même pays coexistaient donc deux "peuples" ou disons deux communautés linguistiques différentes. A l'époque, Bruxelles était une ville en territoire flamand (elle l'est toujours) et les gens y parlaient à majorité néerlandais. Mais une dynamique était à l'oeuvre en faveur du français pour plusieurs raisons je pense.

D'abord le français était la langue des élites, aussi bien wallones que flamandes. Le néerlandais était une langue beaucoup moins prestigieuse, et les élites flamandes l'utilisaient de moins en moins. Ensuite, la région wallone (apparement) était plus prospère que la région flamande. Enfin, le roi des belges était francophone.

 

Ces facteurs contribuaient à faire évoluer la "frontière linguistique". Le flamand a un peu reculé vers le Nord mais c'est surtout à Bruxelles que celui-ci a complètement reculé. Actuellement, on estime grosso modo que seuls 10% des bruxellois ont le néerlandais comme langue maternelle, 80% le français et le reste d'autres langues. Il y a 180 ans, c'était plutôt le contraire.

 

Cette propagation du français a inquiété les flamands lors de la seconde moitié du XXe siècle et cela a abouti à ce que soit établi une frontière linguistique qui se veut intangible. Le pays a été en quelque sorte divisé en sphères linguistiques ; une zone néerlandophone (la Flandre), une zone fracophone (la Wallonie) et une zone bilingue (Bruxelles) située à l'intérieur de la Flandre (d'où les problèmes actuels, voir plus bas). Il existe aussi une petite enclave germanophone à l'est.

 

Le problème de Bruxelles

 

Cela a donc arrêté la propation du français sauf à un endroit : Bruxelles. Le problème actuel (pour les flamands) est ce que les flamands appellent "la tâche d'huile" : les flamands ont peur que l'influence de Bruxelles répande le français autour de Bruxelles, au-dela des frontières linguistiques tracées dans les années 1960. Et c'est un peu ce qu'il se passe à cause de la périurbanisation ; de nombreux bruxellois francophones s'installent ou souhaitent s'installer dans la périphérie de Bruxelles, dans des communes de la zone linguistique flamande et certaines de ces communes sont des zones de facilité, c'est-à-dire que dans leur statut, elles peuvent donner le droit au francophone à certains avantages tel que recevoir des documents administratifs dans leur langue.

 

Certaines communes de la périphérie bruxelloises sont donc devenues à majorité francophone mais on assiste à des scènes irréelles : les francophones ne peuvent pas obtenir de documents en français ou le maire francophone d'une commune de la partie flamande doit s'exprimer en néerlandais à des francophones. Bref, les francophones voudraient pouvoir utiliser la langue qu'ils veulent sauf que les flamands font valoir que d'après les frontières de 1960, la vie doit se faire en néerlandais.

 

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce n'est pas seulement une histoire d'hostilité linguistique (on veut vous empêcher d'utiliser le français) mais les conséquences d'une crainte que les néerlandais pressentent : s'ils ne font rien, l'arrondissement autour de Bruxelles va devenir francophone car c'est l'évolution naturelle. Certains partis et personnalités flamands font donc tout pour légiférer et empêcher la vie en français dans ces communes car la légifération est leur dernier recours (ce n'est pas eux qui le disent, c'est une analyse qui n'engage que moi).

D'autres veulent faire sauter la Belgique avant que le français ne se répande davantage autour de Bruxelles ainsi ils pensent pouvoir davantage protéger leur langue. Il est clair que si cette analyse est exacte, les francophones, dans un rapport de force, n'ont rien à craindre du statut quo car le rapport de force, sans intervention politique, évolue en leur faveur autour de Bruxelles. C'est la crainte des néerlandophones de voir que beaucoup de néerlandophones apprennent le français mais que peu de francophones apprennent le néerlandais (d'autant plus que tous les francophones qui viennet en Belgique ne sont pas belges, il y a des français : il suffit de voir que Lille est à la frontière avec la Flandre). Bref, on voit bien qu'il y a une dynamique naturelle déséquilibrée en faveur du français et c'est justement à cause de leur conscience de cette situation que des néerlandais veulent agir au plus vite : sécession de la Flandre ou bien légifération draconienne pour empêcher l'usage du français au maximum.

 

Conclusion

 

C'est évidemment une situation très complexe et sensible et qui peut sembler quelque part injuste pour les néerlandophones. Evidemment, en tant que français, je suis toujours content de voir que le français est adopté par plus de gens, c'est toujours "flatteur" quelque part, et vu de l'extérieur, on aurait envie de dire : mais laissez les gens parler la langue qu'ils veulent. Le problème pour les néerlandophones, c'est que cette logique a jusqu'à maintenant toujours favorisé le français. Il revient donc à tous ces gens de trouver une sortie de crise : divorce à l'amiable (dans quelles conditions ?), compromis linguistique, nouvelle frontière linguistique (je n'y crois pas, les néerlandophones ne voudront pas acter la présence des francophones autour de Bruxelles) ou autre. Souhaitons-leur sincèrement bon courage.

 

Pour continuer à s'informer :

http://www.francesoir.fr/en/node/46421 (article du 5 mai 2010) (exploration sur place de la situation)

http://www.lefigaro.fr/international/2009/01/21/01003-20090121ARTFIG00479-la-france-doit-elle-annexer-la-wallonie-.php (article du 27 janvier 2009) (sur un possible rattachement à la France)

 

Vous pouvez également retrouver mon article plus récent sur le même sujet en cliquant ici.

Pour avoir un éclairage historique, je vous renvoie vers cet article : http://www.aquadesign.be/actu/article-11889.php

Tag(s) : #Données sur la francophonie
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