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Quelqu'un qui a parcouru mon blog a soulevé l'importance de la géopolitique et de l'histoire sur le développement du français. J'ai trouvé cette question intéressante car je ne me focalise pas du tout sur cette approche dans mon blog et j'ai pensé que cela pourrait intéresser les lecteurs réguliers de mon blog de connaître mes arguments. Cela m'a permis de mettre en mots certaines idées que je n'avais pas encore abordées précisément, notamment le rapport que les français ont avec leur langue (quelque chose qui doît être défendu par d'autres, approche découlant d'un certain fatalisme, voire même d'une façon de voir superstitieuse, à mon avis, ou tout simplement d'un désintérêt pour ces questions).

Voici donc ma réponse ;

 

Il est indéniable que la géopolitique et l'histoire ont eu une influence sur le développement du français. La colonisation, etles investissements économiques et bien d'autres facteurs influent sur la dynamique du français. Ce n'est pas l'approche que j'ai utilisée dans mon blog ; je ne fais pas de travail de recherche spécifique, je me contente de faire part des choses que j'observe et des réflexions que j'ai eues. Je me laisse guider par mon intérêt et lorsque je remarque que des faits contredisent les idées reçues, je trouve important de le signaler, que l'on arrête la propagation de ces idées fausses (même histoire que les rumeurs...). L'histoire de la francophonie, je le connais un peu, et je pense que beaucoup de gens la connaissent, elle est facilement accessible. Ce n'est pas pour autant que les rapports de force changent. Par contre, les données la concernant actuellement le sont beaucoup moins. Il existe un site d'un professeur de l'université Laval au Québec, le professeur Leclerc que j'ai suivi et qui propose des données ou des enquêtes qui m'ont beaucoup intéressé un temps. J'ai remarqué comment cela est repris par de nombreux sites et de nombreuses références, jusqu'à la wikipedia. Cela m'a surpris ; finalement en l'absence d'autres données, ce n'est pas si étonnant, les gens répètent ce qu'ils ont à disposition. Mon blog est parti de ce constat : que la francophonie et la perception de l'importance d'une langue se fondent, certes sur des événements historiques, mais aussi sur des idées reçues, des chiffres repris en boucle, des perceptions construites selon l'environnement (les publicités en anglais ne peuvent que renforcer notre impression d'omniprésence de l'anglais et par conséquent notre impression de déclin du français). Tout cela crée une image globale du français de la même façon.

Donc, pour moi, chercher des explications dans le passé, c'est bien, mais très insuffisant. Il y a des rapports de force, des situations, etc... à faire évoluer et cela m'agace souvent de voir les gens expliquer le déclin du français par ceci ou cela (la passé, la mentalité des français, la suprématie économique des Etats-unis). C'est une démarche passive qui s'incline devant les rapports de force que l'on veut ignorer. Pour moi, l'image de la francophonie est à reconstruire sur de nouvelles bases. Par exemple, je suis intervenu plusieurs fois sur la wikipedia pour fournir des chiffres précis et contre-dire des arguments subjectifs sur le soi-disant déclin du français un peu partout. En l'absence de données, on peut dire ce que l'on veut, et comme quasiment aucun organisme français ne se charge de donner des statistiques, des données, etc..., on prend celles que les anglophones nous fournissent (plusieurs sites américains comme l'ethnologue dont les chiffres sont repris en boucle partout). Les anglophones ne sont pas à blâmer, ils font leur travail. C'est nous qui ne faisons pas le nôtre. C'est donc à nous de contrecarrer ce pessimisme ambiant, de faire valoir nos droits acquis, etc... Je n'utilise pourtant pas grand chose d'exceptionnel (le rapport de l'OIF disponible sur internet, deux ou trois sites référencés sur mon blog, ainsi que quelques lectures comme le courrier international ou ce qui me tombe sous la main). Cependant, je remarque que quasiment personne en France ne fait cet effort de défendre sa langue autrement que par de grandes idées vides, sans prendre la peine d'avoir des données, des choses solides. Une opinion, c'est bien, mais on peut dire exactement le contraire sans arguments. Dire que le français se porte bien, c'est une chose, mais ce sera très vite oublié voire moqué si cela n'est pas étayé par des chiffres, des données. Pour revenir à la wikipedia, il a suffi que je cite des chiffres du rapport de l'OIF pour que le débat sur le nombre de francophones dans le monde cesse; je suis surpris que personne n'ai pensé à le vérifier auparavant (vous n'avez qu'à voir la page discussion, les gens se battaient à coup de : "cela me paraît beaucoup" et à coup de chiffres gonflés ou d'informations déformées pour les partisans). 

Bref, je pense qu'il y a un immense travail à faire pour défendre la langue française pas dans sa qualité (ça c'est le travail et la volonté de chacun et je ne m'en mêlerait pas) mais ses intérêts et la possibilité de l'utiliser dans certaines enceintes (ONU, UNESCO, Parlement européen). C'est un travail de fourmi, et on ne peut avancer que par petites victoires : fournir des données fiables, obliger à l'utilisation du français par les français dans les organismes internationaux où cela est permis (pourquoi soutenir des candidats français (Trichet, Strauss-Kahn) si c'est pour qu'ils n'utilisent pas notre langue), relayer les bonnes nouvelles, obliger à la traduction de documents en français lorsque cela est possible, obtenir la traduction des messages publicitaires (ils sont destinés aux français, pourquoi utiliser une langue que ne comprennent pas forcément les personnes à qui s'adressent les messages publicitaires, pourquoi ne pas utiliser la langue que tout le monde est censé comprendre).

Savez-vous qu'au Québec, on a obligé certaines enseignes à traduire leur nom en français s'ils ne voulaient pas fermer ? Que l'on a obligé les commerçants à retirer leurs affiches et panneaux en anglais dans les années 70 ? Certaines villes du Québec, donc à majorité francophone, paraissaient anglophones, et ne le sont plus maintenant. Quand il y a une volonté, on y arrive. Pourquoi n'y arriverions nous pas ? Nous sommes dans une position bien plus avantageuse pourtant. La réponse, on la connaît, c'est qu'une grande partie de nos élites ne le souhaitent pas, et que le reste de la population pense que c'est fichu d'avance (que l'on va tous parler anglais) ou que l'on n'y peut rien. C'est donc malheureusement à nous de faire ce travail, d'inverser le courant.

Il ne suffirait pourtant pas de grand chose : se rendre compte qu'une langue ça ne se défend pas tout seul. C'est seulement cela. Il ne s'agit pas que le français soit aimé pour qu'il soit appris ; beaucoup de gens pensent que l'anglais est appris parce qu'il est plus cool, plus facile à apprendre, que le français c'est une langue dure à apprendre, que les gens ne l'aiment pas. Mais c'est comme avec les enfants, on ne peut pas attendre que nos enfants nous aiment pour faire valoir nos idées d'adultes. C'est à nous de défendre notre langue, pas aux étrangers de tomber amoureux de notre langue (pourquoi le feraient-ils si nous ne mettons rien en oeuvre pour défendre notre langue, notre patrimoine, etc...) ; et nous n'avons pas à attendre d'être aimés pour faire respecter des droits et des lois. Exemple concret : il ne s'agit pas d'attendre que Strauss-Kahn, Trichet, etc... se mettent à parler français, il faut l'exiger, voire même révoquer leur position s'ils ne s'expriment pas en français lorsqu'ils en ont l'occasion. Ils ne sont pas seulement là-bas parce qu'ils sont géniaux mais aussi en tant que représentants de la France, et en tant que tels, nous devons avoir certaines exigences à leur égard.

Concernant les supposés avantages, inconvénients de l'anglais et du français, ce ne sont pas eux qui justifient la position des langues dans le monde, mais bien plutôt l'inverse : c'est parce que le français a décliné et l'anglais s'est étendu que l'on a trouvé des justifications a posteriori. Au XVIIIe et XIXe siècle, on affirmait l'inverse, que le français était une langue simple à apprendre, parce que c'était "la langue internationale" (sauf sans doute pour l'Asie).

Enfin, une dernière chose que je souhaite mettre sur la table, c'est que mon blog s'adresse prioritairement aux français (en tout cas moins aux québecois qui n'en ont pas besoin pour défendre leur (et notre) langue) car j'estime que c'est d'abord à nous de comprendre que l'on est pas sur un libre-marché des langues. Nous sommes (en tout cas pour moi) des citoyens français et le français est la langue de la République. Dans ce cadre-là, nous n'avons pas à laisser des publicités en anglais, nous n'avons pas à laisser des gens se faire licencier d'un travail dont la qualification de base ne requiert pas de parler anglais parce qu'ils ne parlent pas anglais (j'ai l'exemple d'un employé technicien, licencié parce qu'il ne comprenait pas des notices en anglais, qui a fait annuler son licenciement grâce à l'aide d'un syndicat). A nous de voir que ce que l'on perçoit comme un déclin irréversible n'est que la traduction du refus d'intervenir pour défendre notre langue (cela ne se fait pas tout seul).

Tag(s) : #Réflexions sur le français
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